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BOUVARD[1]

Messieurs, le vieillard vénérable dont la fin inattendue excite des regrets si profonds et si légitimes, était un des doyens de l’Académie des sciences, et le plus ancien membre du Bureau des Longitudes. Cinquante années de la vie de notre confrère ont été consacrées à des travaux laborieux, difficiles ; j’ajouterai à des travaux éminemment utiles, car tel est le côté par lequel Bouvard désirait surtout qu’on les louât. J’aurai accompli un vœu plus d’une fois exprimé en ma présence, si les paroles d’adieu que je vais tristement adresser à mon vieil ami, peuvent prendre elles-mêmes un caractère d’utilité, et servir d’encouragement à de jeunes astronomes.

Bouvard naquit en 1767 dans un obscur village d’une vallée des Alpes peu éloignée de Saint-Gervais et de Chamouny, mais rarement visitée par les voyageurs. Ses parents étaient absolument sans fortune. À dix-huit ans, le jeune Bouvard n’avait guère devant lui pour toute perspective, que le mancheron de la charrue, le cornet sonore qui ramène tous les soirs au chalet les troupeaux dispersés sur les pentes des montagnes, et le fusil de simple soldat dans l’armée du roi de Sardaigne. De secrets pressentiments lui persuadèrent de venir à Paris. Après quelques représentations dictées par l’affection et une légitime inquiétude, toute la famille se cotisa, et le futur astronome, un bâton de voyage à la main, le sac sur le dos, se mit en route pour la capitale.

  1. Les funérailles de Bouvard ont eu lieu le 11 juin 1843.