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demandait à quelle heure il était rentré, répondait ordinairement : « Je l’ignore, mais il devait être très-tard, puisqu’il n’y avait plus de lumière dans la chambre de Gay-Lussac. »

Bientôt les difficultés sous lesquelles M. Savouret avait succombé, atteignirent M. Sensier lui-même. De tous ses élèves, il ne conserva que Gay-Lussac, dont les parents lui adressaient furtivement quelque peu de farine. Réduite à la plus cruelle extrémité, madame Sensier transportait toutes les nuits à Paris, pour le mettre en vente, le lait de deux vaches qu’elle nourrissait dans son jardin ; mais les routes étant peu sûres, Gay-Lussac sollicita et obtint la faveur d’escorter quotidiennement sa bienfaitrice, armé d’un grand sabre pendant à un ceinturon. C’est durant le retour, qui se faisait de jour, que notre ami, couché sur la paille de la charrette que montait la laitière improvisée, étudiait la géométrie et l’algèbre, et se préparait ainsi aux examens de l’École polytechnique, qu’il devait bientôt subir.

Le 6 nivôse an vi, après des épreuves brillantes, Gay-Lussac reçut le titre si envié d’élève de l’École polytechnique. Nous le voyons, dans cet établissement, toujours au courant des travaux exigés, et donnant, dans les heures de récréation, des leçons particulières à des jeunes gens qui se destinaient aux services publics. C’est ainsi qu’il ajoutait de petites sommes aux trente francs que chaque élève de la première École polytechnique recevait pour ses appointements mensuels ; c’est ainsi qu’il parvint à se maintenir à Paris sans imposer de nouveaux sacrifices à sa famille.