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MALUS.

qu’il fût certain alors que j’étais un véritable pestiféré.

Il n’échappait qu’un homme sur douze.

Saint-Simon, arrivant d’Égypte vint me voir ; il se trouvait en parfaite santé ; le surlendemain il était mort.

« Le siége d’Acre traînait en longueur, les malades refluaient sur Jaffa et nourrissaient le dépôt des mourants du reste, la peste était dans toutes les maisons de la ville où il se trouvait encore des habitants. Les réfugiés de Ramlé qui étaient venus à Jaffa se mettre sous notre protection périrent presque tous. Le couvent des Capucins, qui s’était mis en quarantaine, ne put éviter la contagion. La plupart des prêtres moururent. Toutes les familles franques périrent, hormis deux hommes et une femme.

« Je ne connaissais plus personne parmi les individus qui étaient encore à Jaffa. J’avais perdu successivement mes amis, mes connaissances, mes domestiques ; il ne me restait plus que mon domestique français qui, dans le cours de ma maladie m’avait toujours soigné avec zèle. Le 24 germinal, il mourut près de moi… Je demeurai seul, sans force, sans secours, sans amis ; j’étais tellement épuisé par la dyssenterie et les suppurations continuelles que ma tête était extraordinairement affaiblie ; la fièvre, qui redoublait la nuit, me donnait souvent le transport et m’agitait cruellement. Deux sapeurs entreprirent de me soigner et périrent l’un après l’autre,

Enfin, le 2 floréal je fus embarqué sur l’Étoile, qui partait pour l’Égypte et dont le capitaine avait la peste ; il mourut le jour de notre arrivée à Damiette. L’air de la mer fit sur moi un effet subit ; il me semblait que je