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MALUS.

des soldats furieux répondant aux cris de désespoir par des cris de rage et des coups redoublés ; enfin, des hommes rassasiés de sang et d’or tombant de lassitude sur des tas de cadavres, voilà le spectacle qu’offrit cette malheureuse ville jusqu’à la nuit. »

Ce passage poignant du manuscrit de Malus, est la peinture fidèle de ce qui arrive dans toute ville prise d’assaut, même lorsque les assaillants appartiennent à l’armée la plus civilisée et la plus humaine de l’univers. Quand les historiens sauront se placer dans une sphère élevée, s’affranchir de la routine et suivre dans leurs jugements les règles éternelles de la justice et de l’humanité, tout en louant le courage indomptable des soldats qui savent braver la mort pour obéir à la discipline, ils accorderont leur plus vive sympathie aux hommes qui, pour sauver leur nationalité, consentent à s’exposer aux scènes de massacre et de sang dont la description de Malus a dévoilé toutes les horreurs ; leur flétrissure sera réservée aux provocateurs de ces guerres impies qui n’ont pour motif qu’une ambition personnelle et le désir d’une gloire vaine et mensongère.

Lorsque l’armée partit pour aller attaquer la ville de Saint-Jean d’Acre, Malus reçut l’ordre de rester à Jaffa avec le général Crezieux. On ne lui laissa que cent cinquante hommes valides ; la ville renfermait en outre trois cents blessés et quatre cents pestiférés. Malus fut chargé des dispositions à faire dans le couvent grec afin de pouvoir y établir les pestiférés. Pendant dix jours il passa toutes ses matinées dans l’odeur infecte de ce cloaque. Ainsi, notre célèbre peintre Gros aurait pu légitimement