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éducations publiques, tumultueuses, pour qu’on ne s’empressât pas de la saisir. Je ne rappellerai ici ce débat que pour nier son utilité. En sortant des montagnes de Poleymieux, notre futur confrère avait une immense variété de connaissances, une mémoire prodigieuse, une intelligence forte, une rare aptitude à dominer tous les sujets ; mais qui oserait affirmer que ces qualités ne se seraient pas également développées au collége. Dans une matière aussi délicate, des faits isolés ne sauraient conduire à des conclusions certaines.

Les adversaires des éducations privées rappelèrent qu’Ampère contracta, dans sa retraite, des habitudes qu’ils taxent de bizarreries. On cite, entre autres, l’impossibilité où, devenu professeur, il se trouvait d’expliquer nettement ce qu’il savait le mieux, à moins que le mouvement du corps ne lui vînt en aide. Le fait est vrai. Il y eut toujours, intellectuellement parlant, une très grande différence entre Ampère en repos et Ampère marchant. Moi, tout le premier, j’ai déploré que, dans l’âge mûr, le savant illustre sentît ses éminentes facultés, sa verve s’éteindre, dès qu’il s’asseyait devant un bureau, sans avoir, néanmoins, la hardiesse de m’en prendre à la solitude dans laquelle la jeunesse d’Ampère s’était passée.

Eh ! grand Dieu ! que savons-nous du travail intérieur qui accompagne la naissance et le développement d’une idée ? Ainsi qu’un astre à son lever, une idée commence à poindre aux dernières limites de notre horizon intellectuel. Elle est d’abord très-circonscrite ; sa lueur incertaine, vacillante, semble nous arriver à travers un brouillard épais. Ensuite elle grandit, prend assez d’éclat