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voyant plus tard notre illustre confrère se replier sur lui-même, s’isoler peu à peu de ce qu’on est convenu d’appeler le monde, circonscrire ses relations dans le cercle resserré d’une famille peu nombreuse et de quelques amis ; s’imposer enfin une vie de bénédictin. Je me trompe ; l’assimilation que je viens de faire manque de justesse. Les religieux de l’ordre de saint Benoît étaient sans doute d’infatigables explorateurs des vieilles archives, des vieilles chartes, des vieux documents de notre histoire ; mais les ouvrages qu’ils ont produits, malgré le savoir qu’on y remarque, malgré leur incontestable utilité, ne sortent pas du cadre des compilations.

Au contraire, l’invention brille à chaque pas dans les immenses travaux de Poisson sur les questions les plus subtiles, les plus relevées des mathématiques pures ; sur les applications du calcul aux mouvements des corps célestes, sur les phénomènes si complexes de la physique corpusculaire. On a dit que l’analyse mathématique était un instrument. La comparaison peut être admise, pourvu qu’on accorde en même temps que cet instrument, comme le Protée de la Fable, doit sans cesse changer de forme. L’art des transformations analytiques, aucun géomètre ne le posséda jamais à un plus haut degré que Poisson. Lorsque ses formules ne renversent pas la difficulté du premier coup et par une attaque directe, elles la contournent, l’étreignent, la sondent sur tous les points. Il est rare qu’elles ne pénètrent pas ainsi au cœur même de la question d’une manière également rapide et imprévue. Les Mémoires de Poisson sont pleins de ces artifices analytiques. Les géomètres y trouveront des solutions toutes