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sonné aurait vainement tenté de se frayer un passage. Ce retour vers des mœurs, des habitudes si éloignées de celles de notre temps, explique comment Poisson se trouva bientôt répandu dans tous les salons de la capitale ; comment le jeune géomètre passait tour à tour des réunions sérieuses des Cabanis, des Tracy, des Lafayette, dans le tourbillon plus mondain, plus gai, peut-être tout aussi instructif, dont plusieurs artistes célèbres, les Gérard, les Talma, étaient en quelque sorte les pivots.

Un esprit naïf et fin, allié à la faculté d’envisager les questions les plus rebattues sous des aspects nouveaux, de pénétrer dans l’essence même des choses, de ne jamais se laisser fasciner par l’éclat trompeur des surfaces, firent de Poisson un des vrais ornements de la société parisienne. J’ai hâte de dire que ces succès éphémères ne l’éblouirent pas. Il y a trente-six ans de cela, pardonnez moi, Messieurs, un souvenir personnel et doux, lorsque, après s’être dérobé aux séductions du grand monde, Poisson rentrait dans l’enceinte silencieuse de l’École polytechnique, il avait souvent la bonté de frapper à la porte de la modeste cellule où, à côté de son appartement, un élève, très-jeune aussi, se préparait par des méditations nocturnes aux travaux du lendemain.

Il ne manquait jamais alors de dénombrer avec regret les heures, les minutes, que la société venait d’enlever à ses savantes recherches. Au reste, c’était une dette sacrée qu’il s’empressait d’acquitter aux dépens de son sommeil. Aussi, moi, confident et témoin de ces premières impressions de jeunesse, n’ai-je été nullement surpris en