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confrère les paroles qui terminent l’Éloge d’Euler par Condorcet, et s’écrier : « Tel jour, Poisson cessa de professer et de vivre. »

Poisson s’acquitta avec une égale conscience de la charge d’examinateur. Une fois seulement, il voulut, par délicatesse, se faire remplacer dans l’examen de son fils aîné ; mais les élèves de l’École polytechnique, l’ayant appris, envoyèrent une députation, composée de tous les chefs de salles, pour lui déclarer qu’ils avaient dans son impartialité la plus entière confiance, et le supplier de ne pas se récuser. Poisson, profondément touché de la démarche de cette brillante jeunesse, disait, sans cacher son émotion, qu’il la considérait comme la plus douce, la plus honorable récompense, que les fonctions pénibles dont il avait été investi pendant vingt-cinq ans eussent jamais pu lui procurer.

La conduite de Poisson envers ses parents fut toujours un modèle dans le fond et dans la forme. Son père recevait le premier exemplaire de tous les Mémoires que l’illustre académicien publiait. L’ancien soldat, quoique entièrement étranger aux mathématiques, en faisait sa lecture quotidienne. L’introduction dans laquelle notre confrère présentait l’historique de la question et caractérisait nettement son but, finissait à la longue par disparaître sous le frottement continuel des doigts tournant et retournant les feuillets. La partie centrale des Mémoires où se trouvaient si souvent des signes de différentiation et d’intégration était moins détériorée ; mais, là même, on voyait, par des traces évidentes, que le père était souvent resté en contemplation devant l’œuvre de son fils.