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désordre ? » On peut déduire de ces paroles que Newton croyait à la vérité de cette dernière supposition.

Une pareille idée, appuyée de l’autorité d’un homme d’un aussi grand génie, dut faire une impression profonde sur les esprits réfléchis. En 1715, la princesse de Galles, belle-fille de George Ier, suscita une discussion à ce sujet entre Clarke et Leibnitz ; car l’auteur de la Philosophie naturelle, quoique vivant encore, restait étranger par goût, et à cause de son grand âge, à toute controverse.

Leibnitz traita le doute émis par Newton avec un dédain que j’appellerais de mauvais goût, s’il était permis de prendre cette liberté, lorsqu’il s’agit de telles autorités. Voici comment Leibnitz s’exprimait à ce sujet. Je cite les ouvrages contemporains dans leur style naïf, mais un peu vieilli : « M. Newton et ses sectateurs ont encore une assez plaisante opinion de l’ouvrage de Dieu. Selon eux, Dieu a besoin de remonter de temps en temps sa montre, autrement elle cesserait d’agir. Il n’a pas eu assez de vue pour en faire un mouvement perpétuel. Cette machine de Dieu est même si imparfaite, qu’il est obligé de la décrasser de temps en temps par un concours extraordinaire, et même de la raccommoder comme un horloger son ouvrage. Selon mon sentiment, la même force en vigueur y subsiste toujours et passe seulement de matière en matière, suivant les lois de la nature et le bel ordre préalable. »

Clarke, dans un écrit adressé à la princesse de Galles, envisageait la question sous un tout autre point de vue. Ce que Leibnitz regardait comme une imperfection,