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et de nos grandes écoles ne montre pas aujourd’hui plus de considération pour ceux qui les ont guidés dans la carrière de l’intelligence que pour le fabricant qui a fourni à prix d’argent l’étoffe dont ils se couvrent ou pour l’artiste qui l’a façonnée ; nos salons, nos académies, nos assemblées politiques, retentissent journellement de discussions dans lesquelles les disciples traitent leurs vieux maîtres, sans égard, sans politesse, et même, car cela s’est vu, la menace à la bouche. C’est en méditant sur ces résultats affligeants, indices certains de l’abaissement, de la dégradation des mœurs publiques, que m’est venue la pensée de rappeler à vos souvenirs l’attachement exceptionnel dont le professeur et l’élève de Fontainebleau ont offert l’exemple touchant. Louer les bonnes actions et flétrir les mauvaises est un devoir sacré pour tous ceux que leurs fonctions appellent à l’honneur de parler en public.

C’est en se jouant que Poisson se rendit maître des matières indiquées dans le programme d’admission à l’École polytechnique ; il eût pu se présenter à seize ans ; sa constitution très-frêle et son état de santé firent retarder d’un an l’épreuve généralement si redoutée. On raconte que l’examinateur, M. Labbé, n’adressa à Poisson qu’une seule question ; l’élève de M. Billy, par des digressions habilement ménagées, parcourut hardiment toutes les parties de la science, et laissa les auditeurs et l’examinateur dans l’admiration.

Poisson, âgé de dix-sept ans, fut reçu le premier de sa promotion à la fin de 1798. On a dit qu’il vint à Paris en sabots ; le fait est inexact. L’insuffisance de fortune ne força jamais le père de Poisson à adopter pour lui ou