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et Poisson alla s’installer auprès d’un oncle, M. Lenfant, qui exerçait cet art à Fontainebleau. Poisson racontait, avec une gaieté communicative, les essais infructueux qu’il fit dans cette nouvelle carrière. Pour l’exercer à la saignée, son oncle lui mettait dans les mains une lancette à l’aide de laquelle il lui demandait de piquer les nervures d’une feuille de chou. « Je ne réussissais jamais, disait Poisson, tant ma main était peu assurée, à toucher ces maudites nervures, tout apparentes qu’elles étaient, lorsque je les visais. J’étais plus heureux quelquefois lorsque je visais à côté. Mes insuccès ne décourageaient cependant pas mon bon oncle, qui m’aimait beaucoup et voulait me conserver auprès de lui. Une fois, il m’envoya avec un de mes camarades, M. Vanneau, actuellement établi aux colonies, poser un vésicatoire sur le bras d’un enfant ; le lendemain, quand je me présentai pour lever l’appareil, je trouvai l’enfant mort ; cet événement, fort commun, dit-on, fit sur moi l’impression la plus profonde, et je déclarai sur l’heure que je ne serais jamais ni médecin ni chirurgien. Rien ne put ébranler ma résolution, et l’on me renvoya à Pithiviers. »

Le père de Poisson, comme président du district, recevait régulièrement un exemplaire du Journal de l’École polytechnique. Son fils, grand amateur de lecture, trouva çà et là l’énoncé de diverses questions qu’il parvint à résoudre, quoique entièrement dépourvu alors de guide et de méthode. Cet exercice avait commencé à développer des talents mathématiques que la nature avait déposés en germe dans la vaste tête de celui qui devait devenir un jour une des illustrations de cette académie.