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de Pithiviers. M. Poisson alla un jour visiter son fils ; la nourrice était aux champs ; impatient, il pénétra de force dans l’habitation, et vit, avec un douloureux étonnement, ce fils, objet de toutes ses espérances, suspendu par une petite corde à un clou fixé dans le mur. C’est ainsi que la campagnarde s’assurait que son nourrisson ne périrait pas sous la dent des animaux carnassiers et immondes qui circulaient dans la maison. Poisson, de qui je tiens cette anecdote, ne l’envisageait que par son côté plaisant : « Un effort gymnastique me portait incessamment, disait-il, de part et d’autre de la verticale ; c’est ainsi que, dès ma plus tendre enfance, je préludais aux travaux sur le pendule qui devaient tant m’occuper dans mon âge mûr. » Prenons la chose du côté sérieux, et félicitons nous que, par la création dans le plus humble village d’une crèche et d’une salle d’asile, la vie d’un enfant destiné à honorer son pays ne doive plus dépendre de la solidité d’un clou et de la ténacité de quelques brins de chanvre.

Poisson reçut les premiers éléments de lecture et d’écriture à Pithiviers même, sous la direction immédiate de son père ; sa famille se réunit un jour pour choisir la carrière qu’on lui ferait embrasser ; on pensa d’abord au notariat, mais on y renonça tout d’une voix, à cause de la contention d’esprit qu’il exigeait ; ainsi, par un jugement qui paraîtra aujourd’hui bien étrange, il fut décidé que l’homme qui devait pénétrer dans les régions les plus abstruses des mathématiques n’aurait pas une intelligence assez forte pour combiner les clauses d’un contrat. La chirurgie obtint la préférence sur le notariat,