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Toulon, le 2 avril 1798, le général Bonaparte écrivait à notre confrère : « Mon cher Monge, je compte sur vous, dussé-je remonter le Tibre avec l’escadre pour vous prendre ! »

Vous le savez déjà, Messieurs, la flottille du Nil, commandée par le chef de division Perrée, aurait probablement éprouvé une défaite, près de Chebréys, si le général Bonaparte ne fût accouru pour mettre fin à la fusillade de la nuée d’Arabes, de fellahs et de Mameluks qui couvraient les deux rives du fleuve. Le général, en se jetant dans les bras de Monge, qui venait de débarquer, lui adressa des paroles que l’histoire doit enregistrer : « Vous êtes cause, mon cher ami, que j’ai manqué mon combat de Chebréys. C’est pour vous sauver que j’ai précipité mon mouvement de gauche vers le Nil, avant que ma droite eût tourné suffisamment vers le village, d’où aucun Mameluk, sans cela, ne se serait échappé ! »

J’ai vainement cherché dans mes souvenirs un témoignage d’amitié qui pût être mis en parallèle avec celui que je viens de rapporter. Personne ne me contredira : en manquant volontairement un combat pour sauver Monge, le général Bonaparte fit à son ami le plus grand de tous les sacrifices.

Bonaparte manqua, en Égypte, son combat de Chebréys, pour ne pas laisser tomber la tête de Monge sous le yatagan des Arabes ; à Paris, dans l’intérêt de notre confrère, il commit une indiscrétion qui aurait pu amener l’insuccès du coup d’État de Saint-Cloud. « Engagez vos deux gendres à ne pas aller aux Cinq-Cents, disait Bonaparte à Monge la veille du 18 brumaire ; demain, nous