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persuade d’ailleurs que Napoléon, admirateur si net, si franc, des savants du premier ordre, eût trouvé naturel que Monge lui tînt ce langage :

« Les géomètres sur la trace desquels je me suis efforcé de marcher, Euler, d’Alembert, Lagrange, ont acquis une gloire immortelle sans avoir recherché, sans avoir obtenu des titres nobiliaires. La découverte mémorable de la cause physique du changement d’obliquité de l’écliptique, de la précession des équinoxes, de la libration de la lune, ces grandes énigmes de l’ancienne astronomie, ne gagneraient absolument rien à être signées d’un marquis d’Euler, d’un comte d’Alembert, d’un baron de Lagrange. Il en sera de même de mes travaux ; leur valeur restera indépendante de la place que vous pourrez m’assigner dans la hiérarchie sociale de votre empire. »

Il n’est nullement nécessaire, pour envisager les choses ainsi, d’avoir vu de près une grande révolution, soit comme acteur, soit comme simple témoin ; de se trouver sous la domination tyrannique d’une imagination vive et d’une âme ardente. Voyez Fontenelle : l’Académie de Rouen lui donne, en 1744, un témoignage d’estime. Dans sa lettre de remercîments, le philosophe, perpétuellement cité comme un modèle de réserve, de calme, de modération, s’exprime en ces termes :

«De tous les titres de ce monde, je n’en ai jamais eu que d’une espèce : des titres d’académicien, et ils n’ont été profanés par aucun mélange d’autres plus mondains et plus fastueux. »

Haller semble prendre les choses moins au sérieux ; cependant le motif qu’il allègue pour ne pas se parer du