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Vous venez de voir l’illustre académicien tombant comme frappé de la foudre à la lecture du vingt-neuvième bulletin de la grande armée. Par une rare exception, cette effrayante apoplexie ne porta pas une atteinte profonde aux facultés morales et intellectuelles de notre confrère. Les Cent-Jours le retrouvèrent encore plein de vivacité et d’ardeur.

L’Empereur se montrait très-irrité contre certains personnages qui lui semblaient avoir trop promptement, trop complétement oublié, pendant la première Restauration, les devoirs de la reconnaissance. Monge devint leur avocat. Il fit plus, Messieurs ; plusieurs fois notre confrère, violant les consignes formelles du palais des Tuileries, jeta résolument sur les pas de Napoléon des savants, des hommes de lettres en défaveur, et arriva ainsi à des rapprochements inespérés.

Pendant les Cent-Jours, on remarqua que Monge assistait régulièrement à toutes les revues du Carrousel. Arrivé le premier, il ne quittait la place qu’après le défilé. « C’est ridicule, » disaient les uns. — «C’est triste», s’écriaient les autres avec une feinte pitié.

Serait-il donc vrai, Messieurs, que l’amour de la patrie, dans ses exagérations, si en pareille matière l’exagération était possible, dût cesser d’exciter le respect ? Non, non ! dans cette enceinte, j’ose l’affirmer, de vives, d’honorables sympathies auraient été acquises à l’homme illustre, au vieillard septuagénaire, qui, se défiant des rapports des journaux, cherchait, en s’imposant de grandes fatigues, à s’assurer par ses propres yeux que l’armée française improvisée serait, je ne dis pas assez