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spectacles empruntés aux arts, aux sciences, qui semblaient propres à montrer la supériorité de la France et à fortifier notre conquête. Il est vrai que ces tentatives restèrent presque toujours sans résultat.

Un jour, par exemple, Bonaparte demanda aux principaux cheiks d’assister à des expériences de chimie et de physique. Dans les mains de Monge et de Berthollet, divers liquides éprouvèrent les plus curieuses transformations ; on engendra des poudres fulminantes ; de puissantes machines électriques fonctionnèrent avec tous leurs mystères. Une science qui venait de naître, celle du galvanisme, fut mise aussi à contribution ; par de simples attouchements métalliques, on produisit sur des animaux morts, dépecés, des convulsions qui, au premier aspect, autorisent à croire à la possibilité de résurrections. Les graves musulmans n’en restèrent pas moins des témoins impassibles de toutes ces expériences. Bonaparte, qui s’attendait à jouir de leur étonnement, en témoigna quelque humeur. Le cheik El-Bekry s’en aperçut, et demanda sur-le-champ à Berthollet si, par sa science, il ne pouvait pas faire qu’il se trouvât en même temps au Caire et à Maroc. L’illustre chimiste ne répondit à cette demande ridicule qu’en haussant les épaules. « Vous voyez bien, dit alors El-Bekry, que vous n’êtes pas tout à fait sorcier. »

Monge n’éprouva pas une moindre déconvenue le 1er vendémiaire, septième anniversaire de la fondation de la République. Sur sa proposition, il avait été décidé que, ce jour de fête, on rendrait les indigènes témoins d’un spectacle qui semblait devoir inévitablement frapper