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Il est des temps, a-t-on dit, où l’homme de cœur ne doit pas rester dans les emplois publics ! Il est des temps où donner sa démission est l’accomplissement d’un devoir.

J’accepte ces aphorismes en thèse générale ; je dirai seulement qu’ils sont sans application quand l’indépendance nationale est en péril. En de pareilles circonstances l’honnête homme peut aller jusqu’à s’écrier, avec un personnage fameux dans nos fastes révolutionnaires : « Périsse ma réputation plutôt que mon pays ! »

Ajoutons cependant que, tout en contribuant avec une activité sans pareille et un succès vraiment inouï à la défense de la patrie, Monge n’a jamais eu besoin de mettre sa réputation en péril.

Pour se débarrasser du ministère de la marine, en 1793, Monge avait parlé de ce qu’il appelait son incapacité politique et administrative en des termes si catégoriques, si positifs, que beaucoup de personnes le prirent au mot. Il en fut tout autrement des corps constitués. Le nom de notre confrère figura, en effet, deux fois dans les listes des candidats aux fonctions de membre du Directoire exécutif.

On était alors bien près des événements terribles pendant lesquels tous les hommes publics s’étaient montrés à nu ; on savait la source des calomnies, écrites ou verbales, que les partis se renvoyaient mutuellement pendant nos troubles. Ce fut donc avec une connaissance complète des faits, avec tous les moyens de les apprécier, que des sociétés populaires donnèrent à Monge la plus haute marque de confiance et d’estime, et qu’elles le