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midor ; néanmoins, on se berçait de l’espérance que les jugements cesseraient sans retour d’être une amère dérision ; qu’un sentiment général d’humanité succéderait enfin à la plus aveugle barbarie !

En prenant la fuite, Monge montra qu’il ne partageait pas ces illusions, et les événements justifièrent complétement ses défiances. Remarquons d’abord que Robespierre, Saint-Just, Couthon, Henriot, avaient été exécutés sans jugement préalable, après une simple constatation d’identité, à la suite de la mise hors la loi.

Peu après, le tribunal révolutionnaire régénéré envoya soixante-douze membres de l’ancienne commune à l’échafaud, avec quelques tempéraments dans les formes de la procédure, mais sans plus d’hésitation que n’en montrait l’ancien tribunal lorsque, avant le 9 thermidor, il obéissait si aveuglément aux injonctions du comité de salut public. Les montagnards s’étaient défaits des girondins après le 31 mai ; les girondins victorieux se défirent, à leur tour, par l’échafaud ou par la proscription, de soixante-seize montagnards conventionnels. La tyrannie s’était seulement déplacée ; on fit, dans le Midi surtout (je cite le langage de l’époque), la chasse aux jacobins ; bien entendu que cette classe jacobine, alors maudite, s’étendait indéfiniment au gré des inimitiés personnelles et de la cupidité. Quand les meurtres individuels ne suffirent plus aux implacables réacteurs, on vit des massacres par masses, on égorgea dans les prisons : l’événement le plus justement flétri dans les désordres de la capitale se reproduisit sur beaucoup de points du territoire ; un grand nombre de villes eurent, comme Paris,