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trons ; qu’elles se propageaient pour ainsi dire d’elles mêmes.

Je voudrais que le temps me permît de faire ici une histoire détaillée de l’adoption du télégraphe aérien en 1793. On y verrait à combien d’objections futiles Chappe fut exposé, même de la part d’hommes très-éminents ; on y verrait un des commissaires de la Convention ne donner son appui à l’invention qu’après avoir reçu, à Saint-Martin-du-Tertre, cette dépêche partie de Paris : « La Convention vient d’autoriser son comité de sûreté générale à apposer les scellés sur les papiers des représentants du peuple. » (Le représentant du peuple commissaire avait des papiers à cacher.) On y verrait la Convention tout entière ne se rendre qu’après avoir entendu cette remarque de Lakanal : « L’établissement du télégraphe est la première réponse aux publicistes qui pensent que la France est trop étendue pour former une République. Le télégraphe abrége les distances, et réunit, en quelque sorte, une immense population en un seul point. »

On y verrait, enfin, que dans tous les temps l’homme s’est laissé dominer par la routine, par une tendance invincible à tout apprécier, à priori, du haut de sa vanité, du haut d’une fausse science ; que les vérités, les inventions les plus utiles ne parvinrent jamais à occuper la place qui leur appartenait légitimement que de vive force et grâce à l’intervention persévérante de quelques esprits d’élite.

Le monde fourmille de personnes qui confondent la froideur avec la sagesse. Avez-vous l’âme ardente, l’ima-