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À l’époque où Monge devint ministre de la marine, toutes les régions de la France, et la ville de Paris en particulier, étaient dans la plus grande fermentation. Un décret de l’Assemblée législative venait de frapper de destitution les employés du gouvernement qui avaient adhéré à la pétition dite des dix mille. Presque tous les chefs de division, les chefs de bureau et les simples commis du ministère se trouvaient dans cette catégorie. Ils se présentèrent en masse à notre confrère, s’avouèrent signataires de la pétition fatale, et déclarèrent vouloir résigner leurs fonctions.

«Vous êtes signataires ? repartit Monge ; et qui vous le demande ? Non, non ! Messieurs ! parlons avec franchise ; vous désirez vous retirer, parce que le nouveau ministre n’a pas vos sympathies. Eh bien ! patientez : je suis ici pour peu de temps, soyez-en certains ; mon successeur vous conviendra peut-être mieux. »

Ces paroles naïves, affables, changèrent les dispositions de la plupart des employés, et l’administration centrale ne fut pas désorganisée.

Notre confrère ne réussit pas toujours aussi heureusement dans les démarches qu’il fit auprès des officiers de la flotte. Le plus grand nombre émigra. Monge eut au moins le bonheur, par ses prières, par ses supplications, car il crut s’honorer en allant jusque-là, de conserver à la France l’homme supérieur qui, à cette époque, était à la fois une des lumières de l’Académie des sciences et une des gloires de la marine. Tout le monde a déjà nommé M. de Borda.

Dans sa sollicitude inépuisable, Monge n’oublia pas