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propres expressions, de la vertu parlière, ne trouvait pas grand choix entre ne savoir dire que mal, ou ne savoir rien que bien dire. » Dans ses leçons, toujours substantielles, il visait exclusivement à être clair, à se rendre accessible aux intelligences les plus paresseuses, et il atteignait complétement son but.

De l’ensemble descendiez-vous aux détails ; vous prenait-il fantaisie d’analyser le talent oratoire de Monge, votre oreille était désagréablement affectée par une prosodie défectueuse. À des paroles traînantes succédaient, de temps à autre, des membres de phrase articulés avec une volubilité faite pour dérouter l’attention la plus soutenue. Vous alliez alors, par dépit, jusqu’à vous ranger à une opinion erronée, mais fort répandue : vous croyiez Monge bègue. Bientôt, cependant, entraîné, séduit par la lucidité des démonstrations, vous étiez tenté de rompre le silence solennel de l’amphithéâtre et de vous écrier, à l’exemple d’un des élèves les plus distingués de notre confrère : « D’autres parlent mieux, personne ne professe aussi bien. »

On a vu des professeurs imposer à un nombreux auditoire par la régularité et la noblesse de leurs traits, par l’assurance de leur regard et l’élégance de leurs manières. Monge ne possédait aucun de ces avantages. Sa figure était d’une largeur exceptionnelle ; ses yeux, très-enfoncés, disparaissaient presque entièrement sous d’épais sourcils ; un nez épaté, de grosses lèvres, formaient un ensemble peu attrayant au premier abord ; mais, qui ne le sait ? dans les tableaux de certains peintres fameux, les incorrections du dessin disparaissent sous la magie du coloris.