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ou sur des calculs d’une longueur rebutante. Les calculs, il est vrai, on les donnait à faire aux malheureux praticiens de la gâche. C’est à ce titre que Monge fut chargé de traiter un cas particulier, dont les éléments avaient été fournis par l’état-major de l’école. Lorsque notre confrère se présenta pour remettre le résultat de son travail au commandant supérieur, cet officier refusa de le recevoir. Pourquoi, disait-il, me donnerais-je la peine de soumettre une solution imaginaire à de pénibles vérifications ? L’auteur n’a pas même pris le temps de grouper ses chiffres ; je puis croire à une grande facilité de calcul, mais non à des miracles !

Sur l’insistance du jeune élève, on se décida enfin à l’entendre : il avoua d’abord, sans détour, que les scrupules de son chef avaient quelque fondement, que les procédés connus ne l’auraient pas conduit si promptement au but, quelle qu’eût été son habitude des calculs arithmétiques. Aussi, ajouta-t-il, ce que je demande en première ligne et avec une entière confiance, c’est l’examen scrupuleux de la route que je me suis tracée. Cette fois, la fermeté triompha de la prévention. La route nouvelle, étudiée sous tous ses aspects, se trouva plus directe, plus facile, plus méthodique qu’on n’avait osé l’espérer, et Monge fut récompensé de son invention par la place de répétiteur de mathématiques.

En sortant de la classe des appareilleurs, où il avait pu craindre de rester éternellement relégué, pour aller donner des leçons à messieurs les officiers du génie, Monge voyait s’ouvrir tout à coup devant lui une belle et vaste carrière. Dans les premiers moments, il fut cepen-