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En rentrant à la Conciergerie, la veille de sa mort, Bailly parlait des efforts qu’on avait dû faire pour exalter les passions des auditeurs qui suivirent les diverses phases de son procès. L’exaltation factice est toujours le produit de la corruption. Les ouvriers manquent d’argent ; ils ne peuvent donc avoir été les corrupteurs, les promoteurs directs des scènes fâcheuses dont se plaignait Bailly.

Les ennemis implacables de l’ancien président de l’Assemblée nationale avaient trouvé, à prix d’argent, des auxiliaires dans les guichetiers de la Conciergerie. M. Beugnot nous apprend qu’au moment de remettre le vénérable magistrat aux gendarmes qui devaient le conduire au tribunal, « ces misérables le poussaient avec violence, se le renvoyaient comme un homme ivre, de l’un à l’autre, en s’écriant : Tiens, voilà Bailly ! A toi Bailly ! Prends donc Bailly ! et qu’ils riaient aux éclats de l’air grave que conservait le philosophe au milieu de ces jeux de cannibales. »

Pour affirmer que ces violences, devant lesquelles, en vérité, pâlissent celles du Champ-de-Mars, avaient été obtenues moyennant salaire, j’ai plus que la déclaration formelle du compagnon de captivité de notre confrère. Je remarque, en effet, qu’aucun autre accusé ou condamné ne les éprouva ; pas même le nommé l’Admirai, quand il fut conduit à la Conciergerie pour avoir tenté d’assassiner Collot-d’Herbois.

Au reste, ce n’est pas seulement sur des considérations indirectes que se fonde mon opinion bien arrêtée, touchant l’intervention de personnes riches et influentes, dans les scènes d’une inqualifiable barbarie du Champ--