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Bailly descendit dans le fossé, où le bourreau brûla devant lui le drapeau rouge du 17 juillet ; il monta ensuite d’un pas ferme sur l’échafaud. Ayons le courage de le dire, lorsque la tête de notre vénérable confrère tomba, les témoins soldés que cette affreuse exécution avait réunis au Champ-de-Mars, poussèrent d’infâmes acclamations.

J’avais annoncé une relation fidèle du martyre de Bailly ; je viens de tenir parole. J’avais dit que j’en bannirais bien des circonstances sans réalité, et que le drame deviendrait ainsi moins atroce. Si j’en croyais votre attitude, je n’aurais pas accompli cette seconde partie de ma promesse. Les imaginations refusent peut-être d’aller au delà des faits cruels sur lesquels j’ai dû m’appesantir. On se demande ce que j’ai pu retrancher de relations anciennes, quand ce qui reste est si déplorable.

L’ordre d’exécution adressé au bourreau par Fouquier Tainville a été vu par diverses personnes vivantes. Elles déclarent toutes que s’il diffère des ordres nombreux de même nature que le misérable expédiait chaque jour, c’est seulement par la substitution des mots : Esplanade du Champ-de-Mars, à la désignation ordinaire, place de la Révolution. Or, le tribunal révolutionnaire a mérité bien des anathèmes, mais je n’ai jamais remarqué qu’on lui ait reproché de n’avoir pas su se faire obéir.

Je me suis senti allégé d’un énorme poids, Messieurs, quand j’ai pu arracher de ma pensée l’image d’une lugubre marche à pied de deux heures, puisque avec elle disparaissaient deux heures de sévices corporels que, d’après les mêmes relations, notre vertueux confrère