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de bas en haut la planche sur laquelle ses pieds reposent. Ce jeune homme va chercher la garde ; elle enlève un madrier et trouve sous l’autel deux individus d’assez mauvaise mine, couchés, munis de provisions. Un de ces deux hommes était un invalide à jambe de bois. La garde s’en empare et les conduit au Gros-Caillou, à la section, chez le commissaire de police. Dans le trajet, le baril d’eau dont ces malheureux étaient munis sous l’autel de la patrie se transforme, suivant le cours ordinaire des choses, en un baril de poudre. Les habitants du quartier s’attroupent ; c’était un dimanche. Les femmes, surtout, se montrent fort irritées lorsqu’on leur raconte la déclaration de l’invalide sur la destination des trous de vrille. Quand les deux prisonniers sortent de la section pour être conduits à l’Hôtel de Ville, la foule les arrache à la garde, les massacre et promène leurs têtes sur des piques !

On ne saurait trop le répéter, ces assassinats hideux, cette exécution de deux vieux libertins par la population barbare et aveuglée du Gros-Caillou, n’avait évidemment aucun rapport, aucune connexité avec les événements qui, le soir, portèrent le deuil dans le Champ de la Fédération.

Le soir du 17 juillet, de cinq à sept heures, la foule réunie autour de l’autel de la patrie avait-elle pris un caractère de turbulence qui dût faire craindre une émeute, une sédition, de la violence, quelque entreprise anarchique ?

Nous avons, à cet égard, la déclaration écrite de trois conseillers que la municipalité avait envoyés le matin au Gros-Caillou, à la première nouvelle des deux assassinats dont j’ai déjà parlé. Cette déclaration fut présentée à