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doute par-dessus toutes choses, ce sont les spécialités. Il à une antipathie insurmontable pour les hommes qui ont conquis à la face du monde les titres honorables d’historien, de géomètre, de mécanicien, d’astronome, de physicien, de chimiste, de géologue, etc… Son désir, sa volonté est de parler sur toutes choses. Il lui faut donc des collaborateurs qui ne puissent pas le contredire.

La ville construit-elle un édifice, l’échevin argumente à perte de vue sur l’orientation de ses façades. Il déclare, avec l’imperturbable assurance que lui inspire un fait dont il dit avoir déjà entendu parler sur les genoux de sa nourrice, que de tel côté du monument futur, la lune, agent de destruction actif, mangera sans relâche les pierres des parements, les fûts de colonnes, qu’elle effacera en peu d’années tous les ornements projetés ; et voilà que la crainte de la voracité de la lune amènera le bouleversement des vues, des études et des plans approfondis de plusieurs architectes. Placez un météorologiste au conseil, et malgré l’autorité des nourrices, tout un échafaudage de suppositions gratuites s’écroulera devant ces sévères et catégoriques paroles de la science : la lune n’exerce point l’action qu’on lui attribue.

Une autre fois, l’échevin jette son anathème sur le chauffage à la vapeur. Suivant lui, cette invention diabolique est une cause incessante de moisissure pour les boiseries, les meubles, les papiers et les livres. L’échevin s’imagine, en effet, que, dans ce genre de chauffage, des torrents de vapeur aqueuse se répandent dans l’atmosphère des appartements. Peut-il aimer, je le demande, un collègue qui, après avoir eu la malicieuse patience de le laisser