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la plénitude de sa raison, ne consentirait pas à jouer un million contre un franc.

L’introduction de considérations morales dans la théorie mathématique du jeu, en a certainement affaibli l’importance, la clarté, la rigueur. On devait donc regretter que Buffon en eût fait usage pour arriver à la conséquence qu’il énonce ainsi : « Une longue suite de hasards est une chaîne fatale, dont le prolongement amène le malheur ; » en termes moins poétiques : un joueur de profession court à une ruine certaine.

Cette proposition est d’une haute importance sociale : Ampère sentit le besoin de la démontrer, sans rien emprunter aux considérations dont l’illustre naturaliste et le non moins célèbre Daniel Bernoulli avaient fait usage. Tel fut le principal objet de l’ouvrage qui parut à Lyon, en 1802, avec le titre modeste de : Considérations sur la théorie mathématique du jeu ; l’auteur s’y montre calculateur ingénieux et exercé. Ses formules ont de l’élégance ; elles le conduisent à donner des démonstrations purement algébriques de théorèmes qui semblaient devoir exiger l’emploi de l’analyse différentielle. La question principale s’y trouve du reste complétement résolue. La marche que suit Ampère est claire, méthodique, à l’abri de toute objection. Il établit d’abord qu’entre deux personnes également riches, le principe mathématique de Pascal, de Fermat, la proportionnalité des mises aux chances favorables doit être inévitablement la règle de leur jeu ; que les fortunes inégales ne sauraient motiver de changement à cette règle générale, quand les joueurs sont décidés à ne faire qu’un nombre