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puissance de mon âme. Bailly s’absenta parce qu’il ne croyait pas que l’Hôtel de Ville pût être forcé. Les électeurs, dans le passage cité, n’émettent point une opinion différente. Où est donc la contradiction ?

Bailly se trompa dans ses prévisions, car la multitude fit irruption dans l’Hôtel de Ville. Il y eut là, si on le veut, une erreur de jugement ; mais le courage du maire, rien au monde n’autorisait à le révoquer en doute.

Pour décider après coup, avec si peu d’hésitation et de ménagement, que Bailly ne devait pas s’absenter de la maison commune, il fallait oublier combien, en pareilles circonstances, étaient impérieuses et multipliées les obligations du premier magistrat de la cité ; il fallait surtout ne pas se souvenir que chaque jour l’approvisionnement en farine nécessaire à la nourriture de sept à huit cent mille habitants dépendait des mesures adoptées la veille. M. de Crosne, qui, en cessant d’être lieutenant de police, n’avait pas cessé d’être citoyen, fut quelques jours, pour Bailly, un conseiller très-éclairé et plein de zèle ; mais le jour de l’arrestation de Foulon, ce magistrat démissionnaire se crut perdu. Lui et sa famille firent un appel à la reconnaissance et à l’humanité de notre confrère. C’est à leur procurer un refuge que furent employées les heures d’absence tant reprochées à Bailly ; ces heures pendant lesquelles arriva une catastrophe que le maire n’eût pas empêchée, puisque les efforts surhumains du général Lafayette, commandant la force armée, restèrent inutiles. J’ajouterai que, pour épargner à M. de Crosne une arrestation arbitraire, et dont la mort de Berthier démontrait trop bien, hélas ! l’immense danger, Bailly s’absenta