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Les horribles et à jamais déplorables assassinats de Foulon et de Berthier sont de ces malheurs que, dans des circonstances données, aucune puissance humaine ne saurait empêcher.

Dans les temps de disette, il suffit d’une parole légère, vraie ou supposée, pour engendrer une terrible émeute.

On fait dire à Réveillon qu’un ouvrier peut vivre avec quinze sous, et la manufacture de ce négociant est détruite de fond en comble.

On prête à Foulon ce propos barbare : « Je forcerai le peuple à manger du foin ; » et, sans aucun ordre des autorités constituées, des paysans voisins de l’ancien ministre l’arrêtent, le conduisent à Paris, son gendre éprouve le même sort, et la populace affamée les immole tous deux.

Autant la multitude me paraît insensée et coupable quand elle s’en prend à certains hommes en évidence, d’une rareté de denrées qui est la conséquence manifeste de l’intempérie des saisons ; autant je serais disposé à excuser sa colère contre les auteurs de disettes factices. Eh bien, Messieurs, à l’époque de l’assassinat de Foulon, le peuple, trompé par des orateurs passionnés de l’Assemblée constituante, pouvait, disons mieux, devait croire qu’on l’affamait à plaisir. Foulon périt le 22 juillet 1789 ; le 15, c’est-à-dire sept jours auparavant, Mirabeau jetait aux habitants de la capitale, du haut de la tribune nationale, ces paroles incendiaires :

« Henri IV faisait entrer des vivres dans Paris assiégé et rebelle ; et des ministres pervers interceptent maintenant les convois destinés pour Paris affamé et soumis. »

Et l’on a eu la naïveté de s’étonner des assassinats de