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des piccinistes, dont nos pères furent témoins ; qu’elle nous fasse même pardonner le mot fameux de Fontenelle : Sonate, que me veux-tu ?

On vient de le voir ; relativement aux beaux-arts, Ampère fut à peu près aveugle jusqu’à dix-huit ans, à peu près sourd jusqu’à trente. C’est dans un âge intermédiaire, c’est-à-dire à vingt-un ans, que son cœur s’ouvrit tout à coup à l’amour. Ampère, qui écrivait si peu, a laissé des cahiers où, sous le titre : Amorum, il consigna, jour par jour, l’histoire touchante, naïve, vraiment admirable de ses sentiments.

En tête du premier cahier, on lit ces paroles : « Un jour que je me promenais après le coucher du soleil, le long d’un ruisseau solitaire… » La phrase est restée inachevée. Je la compléterai à l’aide des souvenirs de quelques amis d’enfance du savant académicien :

Le jour était le 10 août 1796 ;

Le ruisseau solitaire coulait non loin du petit village de Saint-Germain, à quelque distance de Poleymieux.

Ampère herborisait. Ses yeux, en parfaite condition pour bien voir depuis l’aventure du coche de la Saône, ne restaient pas si exclusivement attachés aux pistils, aux étamines, aux nervures des feuilles, qu’ils ne lui montrassent à quelque distance deux jeunes et jolies demoiselles, au maintien modeste, qui cueillaient des fleurs dans une vaste prairie. Cette rencontre décida du sort de notre confrère. Jusque-là, l’idée de mariage ne s’était pas même offerte à son esprit. Vous croyez peut-être qu’elle va s’y infiltrer doucement ; qu’elle y germera peu à peu ? Ce n’est pas ainsi que procèdent les imaginations roma-