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hardis navigateurs de ce nouvel élément, vivront dans les âges ; mais, qui de nous, au spectacle de ces superbes expériences, n’a pas senti son âme s’élever, ses idées s’étendre, son esprit s’agrandir ? »

Je ne sais, tout balancé, si les satisfactions d’amour propre qui peuvent être attachées à des titres académiques, à des succès dans ces réunions publiques et solennelles, dédommagèrent complètement Bailly des peines de cœur qu’il éprouva dans sa carrière d’homme de lettres.

Des liens d’une tendre et douce intimité s’étaient établis entre le grand naturaliste Buffon et le célèbre astronome. Une nomination académique les brisa. Vous le savez, Messieurs ; au milieu de nous, une nomination, c’est la pomme de discorde : malgré les vues les plus divergentes, chacun croit alors agir dans le véritable intérêt des sciences ou des lettres ; chacun s’imagine être placé sur les voies de la stricte justice ; chacun cherche activement à faire des prosélytes. Jusque-là, tout est légitime. Ce qui l’est beaucoup moins, c’est d’oublier qu’un vote est un jugement, et qu’en ce sens, l’académicien, comme le magistrat, peut dire au solliciteur, académicien ou autre : « Je rends des arrêts, et non pas des services. »

Malheureusement, des considérations de ce genre, malgré leur justesse, devaient faire peu d’impression sur l’esprit absolu et altier de Buffon. Ce grand naturaliste voulait faire nommer l’abbé Maury ; son confrère, Bailly, croyait devoir voter pour Sedaine. Plaçons-nous dans le cours ordinaire des choses, et il semblera difficile de voir