Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/279

Cette page a été validée par deux contributeurs.

assaillirent la France pendant le règne du roi Jean. La témérité, l’imprévoyance de ce monarque ; les honteuses passions du roi de Navarre ; ses trahisons ; la barbare avidité de la noblesse ; l’esprit de sédition du peuple ; les déprédations sanguinaires des grandes Compagnies ; les insolences sans cesse renaissantes de l’Angleterre ; tout cela est dépeint sans réticence, mais avec une extrême retenue. Aucun trait ne décèle, ne fait même pressentir dans l’écrivain le futur président d’une assemblée nationale réformatrice, et surtout le maire de Paris au temps d’une effervescence révolutionnaire. L’auteur fera dire à Charles V qu’il écartera la faveur et appellera la renommée pour choisir ses représentants ; l’impôt lui paraîtra devoir être assis sur la richesse et respecter l’indigence ; il s’écriera même que l’oppression éveille les idées d’égalité. Ses témérités ne franchiront pas cette limite. Bossuet, Massillon, Bourdaloue, firent retentir la chaire de paroles bien autrement hardies.

Je suis loin de blâmer cette scrupuleuse réserve : la modération, quand elle s’unit à la fermeté, devient une puissance. En un point, cependant, le patriotisme de Bailly aurait pu, je voulais dire aurait dû, se montrer plus susceptible, plus ardent, plus fier. Lorsque, dans l’éloquente prosopopée qui termine l’Éloge, le roi d’Angleterre a rappelé avec arrogance la fatale journée de Poitiers, ne fallait-il pas sur-le-champ circonscrire cet orgueil dans de justes limites ; ne fallait-il pas jeter un coup d’œil rapide sur la composition de l’armée du prince Noir ; rechercher si un corps de troupes, parti de Bordeaux, recruté dans la Guyenne, ne comptait pas plus de Gas-