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dorcet la sensibilité, il ne se trompait pas moins en l’accusant de sécheresse en matière d’art.

Lisait-on pour la première fois à l’Académie française, ou dans le monde, une de ces productions littéraires qui sont l’honneur et la gloire du xviiie siècle, Condorcet restait complétement impassible au milieu des bruyants transports d’admiration et d’attendrissement qui retentissaient autour de l’auteur. Il paraissait n’avoir pas écouté ; mais, pour peu que les circonstances l’y amenassent, il faisait l’analyse minutieuse de l’ouvrage, il en appréciait les beautés, il en signalait les parties faibles avec une fmesse de tact, avec une rectitude de jugement admirables, et récitait sans hésiter, à l’appui de ses remarques, de longues tirades de prose ou des centaines de vers qui venaient de se graver, comme par enchantement, dans une des plus étonnantes mémoires dont les annales littéraires aient jamais fait mention.

La réserve que Condorcet s’imposait devant des étrangers, faisait place, dans sa société intime, à une gaieté de bon ton, spirituelle, doucement épigrammatique. C’est alors que l’immense variété de ses connaissances se révélait sous toutes les formes. Il parlait avec une égale netteté, avec une égale précision, sur la géométrie et les formules du palais ; sur la philosophie et la généalogie des gens de cour, sur les mœurs des républiques de l’antiquité et les colifichets à la mode.

Le secrétaire de l’ancienne Académie des sciences ne descendit dans l’arène de la polémique que pour défendre ses amis contre les attaques de la médiocrité, de la haine