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de sa tête, ses larges épaules, son corps robuste, contrastaient avec des jambes restées toujours grêles, à cause, croyait notre confrère, de l’immobilité presque absolue que le costume de jeune fille et les inquiétudes trop vives d’une mère tendre lui avaient imposée pendant ses huit premières années.

Condorcet avait, dans le maintien, de la simplicité, et même un tant soit peu de gaucherie. Qui ne l’eût vu qu’en passant, aurait dit : Voilà un bon homme, plutôt que, Voilà un homme d’esprit. Sa qualité principale, sa qualité vraiment caractéristique était une extrême bonté. Elle se mariait harmonieusement à une figure belle et douce.

Condorcet passait, parmi ses demi-connaissances, pour insensible et froid. C’était une immense erreur. Jamais peut-être il ne dit, en face, des paroles affectueuses à aucun de ses parents ou de ses amis ; mais jamais aussi il ne laissa échapper l’occasion de leur donner des preuves d’attachement : il était malheureux de leurs malheurs ; il souffrait de leurs maux, au point que son repos et sa santé en furent plus d’une fois gravement altérés.

D’où provenaient donc les reproches d’insensibilité si souvent adressés à notre confrère ? C’est qu’on prenait, je n’hésite pas à le redire, l’apparence pour la réalité ; c’est que jamais les mouvements d’une âme aimante ne se peignirent ni dans la figure ni dans la contenance de Condorcet. Il écoutait avec l’air le plus indifférent le récit d’un malheur ; mais après, quand chacun se contentait d’exhaler sa douleur en de vaines paroles, lui s’éclipsait sans mot dire, et portait des secours, des consolations de