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seule paresse peut donner des bornes à ses connaissances et à ses inventions. »

Le mérite de Condorcet sur cet objet spécial se borne donc à avoir étudié, à l’aide des données que lui fournissaient les sciences modernes et par des rapprochements ingénieux, l’hypothèse d’une perfectibilité indéfinie, relativement à la durée de la vie de l’homme et à ses facultés intellectuelles. Mais c’est lui, je crois, qui, le premier, a étendu le système jusqu’à faire espérer le perfectionnement indéfini des facultés morales. Ainsi, je lis, dans l’ouvrage, « qu’un jour viendra où nos intérêts et nos passions n’auront pas plus d’influence sur les jugements qui dirigent la volonté, que nous ne les voyons en avoir aujourd’hui sur nos opinions scientifiques. » Ici, sans me séparer entièrement de l’auteur, j’ose affirmer qu’il vient de faire une prédiction à bien long terme.

Le Programme que nous connaissons devait être originairement suivi du Tableau complet des progrès de l’esprit humain. Ce tableau, composé principalement de faits, de documents historiques et de dates, n’a pas été achevé. Les éditeurs de 1804 en ont publié quelques fragments. D’autres existent dans les papiers de M. et Mme O’Connor. Espérons que la piété filiale se hâtera d’en faire jouir le public. J’ose assurer qu’ils confirmeront ce jugement que portait Daunou sur l’ensemble de l’esquisse : « Je n’ai connu aucun érudit, ni parmi les nationaux, ni parmi les étrangers, qui, privé de livres comme l’était Condorcet, qui, n’ayant d’autre guide que sa mémoire, eût été capable de composer un pareil ouvrage. »