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esprits sans préjugés le chapitre curieux où, saisissant du regard les progrès futurs de l’esprit humain, l’auteur arrive à reconnaître la nécessité, la justice (ce sont ses expressions) d’établir une entière égalité de droits civils et politiques entre les individus des deux sexes, et proclame en outre la perfectibilité indéfinie de l’espèce humaine.

Cette idée philosophique fut combattue, au commencement de ce siècle, avec une extrême violence par les littérateurs à la mode. Suivant eux, le système de la perfectibilité indéfinie ne manquait pas seulement de vérité ; il devait avoir de désastreuses conséquences. Le Journal des Débats le présentait « comme devant favoriser beaucoup les projets des factieux. » Dans la critique acerbe qu’il en faisait dans le Mercure, à l’occasion d’un ouvrage de madame de Staël, Fontanes, caressant les passions de Napoléon, allait jusqu’à soutenir que le rêve de la perfectibilité menaçait les empires des plus terribles fléaux. Enfin, on croyait amoindrir, suivant les idées du jour, les droits de ce système philosophique à tout examen sérieux, en présentant Voltaire comme son premier, comme son véritable inventeur !

Sur ce dernier point la réponse était très-facile. L’idée de perfectibilité indéfinie se trouve, en effet, dans Bacon, dans Pascal, dans Descartes. Nulle part, cependant, elle n’est exprimée en termes plus clairs que dans ce passage de Bossuet :

« Après six mille ans d’observations, l’esprit humain n’est pas épuisé ; il cherche, et il trouve encore, afin qu’il connaisse qu’il peut trouver jusqu’à l’infini, et que la