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littérateur de profession ne serait agréé par la cour, qui alors était toujours consultée d’avance. Chez notre confrère, l’amour éclairé des lettres primait ainsi l’attachement le plus vrai, le respect le plus profond, une reconnaissance sans bornes.

Ces nobles conseils, il faut le dire, s’adressaient à un homme digne de les apprécier. Turgot fit même plus que son ami ne désirait. Voici sa réponse :

« Remerciez pour moi M. de Saint-Lambert. Ce n’est pas dans ce moment qu’il conviendrait de fixer les yeux du public sur moi pour tout autre objet que les affaires de mon ministère. Je crois qu’il faut tâcher de faire nommer La Harpe. Si on ne peut pas y réussir, pourquoi l’Académie ne prendrait elle pas l’abbé Barthélémy ? Je trouve que M. Chabanon est traité trop sévèrement. Il n’est point, quoi qu’on en dise, sans talent. On n’a pas toujours été aussi sévère. »

Peut-être de notre temps les choses se passent aussi noblement. Même dans cette supposition je n’aurai pas à regretter mes citations, car elles prouveraient que nos pères valaient autant que nous.

Condorcet se mit sur les rangs, en 1782, pour remplacer Saurin à l’Académie française ; il ne l’emporta sur Bailiy, son concurrent, que d’une seule voix.

« C’est une des plus grandes batailles que d’Alembert ait gagnées contre Buffon, » mandait Grimm à son correspondant d’outre-Rhin. Je lis ailleurs que, ce jour-là, on fit assaut de finesse à l’Académie comme dans un conclave. La Harpe ne donnait pas une moindre idée du zèle dévorant qu’on avait montré de part et d’autre, quand il