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AMPÈRE

saient, presque à un égal degré. S’il marquait quelque prédilection, c’était pour Homère, Lucain, le Tasse, Fénelon, Corneille, Voltaire, et pour Thomas, qu’on sera peut-être étonné, malgré son incontestable talent, de trouver en si brillante compagnie. La principale lecture du jeune écolier de Poleymieux fut l’Encyclopédie, par ordre alphabétique en vingt volumes in-folio. Chacun de ces vingt volumes eut séparément son tour : le second après le premier, le troisième après le second, et ainsi de suite, sans jamais interrompre l’ordre arithmétique.

La nature avait doué Ampère, à un degré éminent, de la faculté dont Platon n’a rien dit de trop en l’appelant une grande et puissante déesse. Aussi, l’ouvrage colossal se grava-t-il tout entier et profondément dans l’esprit de notre ami ; aussi, chacun de nous a-t-il pu voir le membre de l’Académie des sciences, déjà parvenu à un âge assez avancé, citer, avec une parfaite exactitude, jusqu’à de longs passages de l’Encyclopédie, relatifs au blason, à la fauconnerie, etc., qui, un demi-siècle auparavant, avaient passé sous ses yeux au milieu des rochers de Poleymieux. Ces mystères d’une prodigieuse mémoire m’étonnent mille fois moins cependant que la force, unie à la flexibilité, que suppose une intelligence capable de s’assimiler, sans confusion et d’après une lecture par ordre alphabétique, les matières si étonnamment variées qui figurent dans le grand Dictionnaire de d’Alembert et de Diderot. Que l’on consente à parcourir avec moi les premières pages de l’Encyclopédie : je dis les premières pages, car je veux bien ne pas choisir, et mon admiration n’aura plus rien alors que de très-naturel.