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suivant sa conscience, de présenter l’écrit de Necker comme une simple traduction, en langage grave, pompeux, des célèbres dialogues de l’abbé Galiani. Je crois que Condorcet était aussi dans son droit en rappelant, à cette occasion, « une statue grecque élégante et svelte, qu’un empereur romain fit dorer, et qui perdit toutes ses grâces. » Ceci écarté, en parcourant l’ouvrage de l’ancien secrétaire de l’Académie, je n’y trouve plus qu’une note qui ait pu exciter l’irritabilité des plus chauds partisans de Necker. Cette note fait mention d’un grand seigneur, désigné seulement par des initiales, qui avait fait une mauvaise traduction de Tibulle. Ses amis, inquiets, voyaient d’avance les critiques troubler son bonheur, et cherchaient à le consoler. « Ne craignez rien pour ma réputation d’auteur, leur dit-il, je viens de prendre un meilleur cuisinier. »

La voilà donc connue la terrible épigramme qui troubla la cour et la ville, qui porta la discorde au sein de deux Académies, qui mit en danger la liberté de notre confrère. J’étais très-disposé à la blâmer. Il eût suffi qu’on me prouvât que Condorcet ne se trouvait pas en état de légitime défense, que Necker et ses adhérents n’avaient dirigé contre lui et contre Turgot aucune parole blessante : or, tel n’était pas, à beaucoup près, l’état des choses.

Buffon écrivait au célèbre banquier : « Je n’avais rien compris à ce jargon d’hôpital de ces demandeurs d’aumônes que nous appelons économistes. »

Necker accusait les mêmes écrivains « de chercher à tromper les autres, et de s’en imposer à eux-mêmes »