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traitait du prix moyen et de son influence, de l’égalisation des prix, des effets de la liberté indéfinie du commerce, des avantages politiques de cette liberté. Condorcet examinait ensuite les prohibitions, soit d’une manière générale, soit dans leurs rapports avec le droit de propriété et avec la législation. Descendant enfin de ces abstractions à des questions un tant soit peu personnelles, quoique dégagées de noms propres, il se demandait comment les auteurs prohibitifs avaient acquis de la popularité ; il cherchait l’origine des préjugés du peuple proprement dit, et de ceux qui, au sujet du commerce des blés, étaient peuple sans s’en apercevoir ; il complétait enfin son œuvre par des réflexions critiques touchant certaines lois prohibitives, et les obstacles qui s’opposaient alors au bien que la liberté pouvait produire.

Toutes les faces d’un très-difficile problème avaient été ainsi franchement abordées, d’un style mâle et sévère. L’ouvrage n’était pas une simple brochure : il embrassait plus de deux cents pages d’impression. Sa publication excita un soulèvement général parmi les nombreux clients de Necker. Des personnages du plus haut rang dans les lettres devinrent aussi, à partir de cette époque, les implacables ennemis de Condorcet. L’Académie des sciences et l’Académie française elles-mêmes ressentirent d’une manière fâcheuse, et pendant de longues années, l’effet de ces tristes discordes.

L’esprit dégagé de toute prévention, je me suis demandé si notre confrère outre-passa, en cette circonstance, les bornes d’une critique légitime. Je ne suppose pas qu’on ait voulu lui contester la faculté, dont il usa