Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/158

Cette page a été validée par deux contributeurs.

publier. Condorcet ne cède point aux instances, quelque impérieuses qu’elles soient, de l’illustre vieillard. « Ne voyez-vous pas, lui mande-t-il, qu’on rapprocherait ce que vous dites aujourd’hui de Montesquieu, des éloges que vous lui avez donnés autrefois ? Ses admirateurs, blessés de la manière dont vous relevez quelques citations erronées, iraient chercher dans vos ouvrages des inadvertances semblables, et il serait impossible qu’on n’en découvrît pas. César, racontant ses propres campagnes dans les Commentaires, a bien commis lui-même des inexactitudes… Vous me pardonnerez, je l’espère, de ne pas adopter un avis auquel vous paraissez tenir beaucoup. Mon attachement me commande de vous dire ce qui sera avantageux, et non ce qui pourrait vous plaire. Si je vous aimais moins, je n’aurais pas le courage de vous contredire. Je sais les torts de Montesquieu ; il est digne de vous de les oublier. »

Ce langage loyal et noble redressera bien des fausses idées. Qui maintenant oserait dire que les philosophes du xviiie siècle s’étaient faits, en quelque sorte, les hommes liges de Voltaire ? La courte réponse de l’illustre vieillard aux remontrances de Condorcet, ne sera pas un document moins précieux dans l’histoire de notre littérature. Je ne commettrai pas la faute de la laisser enfouie dans mon portefeuille ; la voici :


« Il n’y a pas un mot à répondre à ce qu’un vrai philosophe m’a écrit le 20 juin. Je l’en remercie très-sincèrement. On voit toujours mal les choses quand on les voit de trop loin. Il ne faut jamais rougir d’aller à l’école,