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Ferney, le 12 janvier 1778.


« Mon philosophe universel, vos lumières m’étonnent, et votre amitié m’est de jour en jour plus chère. Je suis affligé et honteux d’avoir été d’un autre avis que vous, sur la dernière tentative d’un vieillard de quatre-vingt-quatre ans. J’avais cru, sur la foi de quelques pleurs que j’ai vu répandre à des personnes qui savent lire et se passionner sans chercher la passion, que si mon esquisse était avec le temps bien peinte et bien coloriée, elle pourrait produire à Paris un effet heureux. Je me suis malheureusement trompé. Je conviens d’une grande partie des vérités que vous avez la bonté de me dire, et je m’en dis bien d’autres à moi-même. Je travaillais à faire un tableau de ce croquis, lorsque vos critiques, dictées par l’amitié et par la raison, sont venues augmenter mes doutes. On ne fait rien de bien dans les arts d’imagination et de goût, sans le secours d’un ami éclairé. »


Je sens que j’insiste peut-être trop sur un point de la vie de Condorcet qui déjà doit vous paraître suffisamment éclairci. Cependant, j’éprouve l’invincible besoin de faire une troisième et dernière citation : c’est que, dans ce nouveau cas, la franchise de Condorcet s’éleva à la hauteur d’une belle et noble action.

Voltaire et Montesquieu ne s’étaient point aimés. Montesquieu l’avait même trop laissé paraître. Voltaire s’irrite de quelques brochures qu’on publie à ce sujet et rédige à Ferney, contre l’Esprit des Lois, des articles qu’il adresse à ses amis de Paris, en leur demandant de les