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Dans le nombre des éminents services que ce calcul a déjà rendus à l’humanité, il faut citer en première ligne l’abolition de la loterie et de plusieurs autres jeux, qui, eux aussi, étaient de déplorables piéges tendus à la cupidité, à la crédulité et à l’ignorance. Grâce aux principes évidents et simples sur lesquels la nouvelle analyse se fonde, il n’est pas aujourd’hui de moyens de déguiser la fraude dont les combinaisons financières seraient entachées. Les escomptes, les annuités, les tontines, les assurances de toute nature, n’ont plus rien d’obscur, de mystérieux.

Sur ce terrain, les applications des probabilités ont été admises sans trop de résistance. Mais lorsque Condorcet, à la suite de quelques essais de Nicolas Bernoulli, fit incursion, à l’aide du nouveau calcul, dans le domaine de la jurisprudence et des sciences morales ou politiques, un soulèvement presque général dut l’avertir que sa prise de possession n’aurait pas lieu sans un combat animé. À vrai dire, le combat dure encore. Pour le faire cesser, il faudrait, d’une part, que les géomètres consentissent à exposer les principes des probabilités en termes clairs, précis, dégagés autant que possible d’expressions techniques ; il faudrait, d’autre part, et ceci est bien plus difficile, amener la masse du public à reconnaître que l’appréciation de certaines matières très-complexes ne saurait être du domaine d’un premier aperçu ; qu’on ne doit pas se flatter de parler pertinemment de chiffres sans avoir au moins approfondi les principes de la numération ; enfin, qu’il existe des vérités, des connexions légitimes, en dehors de celles dont on a puisé les rudiments dans des impressions de jeunesse ou dans la lecture des ouvrages classi-