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nel poussé jusqu’à l’exaltation, assujettit l’enfance du futur secrétaire de l’Académie à des pratiques qui, sur plus d’un point, touchaient à la superstition. Le jeune Condorcet, dès qu’il ouvrit les yeux, se vit entouré d’une famille composée des plus hauts dignitaires de l’Église et d’hommes d’épée parmi lesquels les idées nobiliaires régnaient sans partage ; ses premiers guides, ses premiers instituteurs furent des jésuites. Quel fut le fruit d’un concours de circonstances si peu ordinaire ? En matière politique, le détachement le plus complet de toute idée de prérogative héréditaire ; en matière religieuse, le scepticisme poussé jusqu’à ses dernières limites.

Cette remarque, ajoutée à tant d’autres observations du même genre que l’histoire nous fournirait au besoin, ne devrait-elle pas calmer un peu l’ardeur avec laquelle les partis politiques et religieux, mettant toujours en oubli les droits des familles, se disputent tour à tour le monopole de l’instruction publique ! Le monopole n’aurait un côté vraiment dangereux, que dans un pays où la pensée serait enchaînée ; avec la liberté de la presse, la raison, quoi qu’on puisse faire, doit finir par avoir raison.

Au mois d’août 1756, Condorcet, âgé alors de treize ans, remportait le prix de seconde dans l’établissement que les jésuites avaient formé à Reims. En 1758, il commençait, à Paris, ses études mathématiques, au collége de Navarre. Ses succès furent brillants et rapides, car au bout de dix mois il soutint avec tant de distinction une thèse d’analyse très-difficile, que Clairaut, d’Alembert et Fontaine, qui l’interrogeaient, le saluèrent comme un de leurs futurs confrères à l’Académie.