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sa vive imagination, son cœur chaud. Jamais on ne se fût attendu à trouver en lui le calme de cet ancien philosophe qui, au lit de mort, repoussnit toute distraction, afin, disait-il, de mieux observer ce qui se passerait au moment précis où l’âme abandonnerait le corps. Peu d’instants avant que notre confrère perdit entièrement connaissance, M. Deschamps, proviseur du collège de Marseille, ayant commencé a demi-voix la lecture de quelques passages de l’Imitetion, Ampère l’avertit qu’il savait le livre par cœur. Ce furent, je crois, ses dernières paroles. Une fièvre aiguë s’était jointe tout à coup à l’affection chronique de poitrine la plus grave. Le 10 juin 1836, à cinq heures du matin, notre illustre confrère, succombant sous les coups répétés de soixante années de douleurs physiques et morales, « acheva de mourir, suivant la belle expression de Buffon, plutôt qu’il ne finit de vivre ! »

Le jour même, le télégraphe de Marseille transmit la triste nouvelle à Paris. Elle y excita, vous vous en souvenez, une douleur profonde et universelle. Qu’on ne s’y trompe point : l’instrument aérien aux communications rapides ne sortit pas, en cette circonstance, de son rôle officiel pour passer dans le domaine des choses privées : la mort d’Ampère était un malheur public !