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sentiment. Les distractions blessent, quand elles ne font pas rire : les distractions d’Ampère étaient de cette dernière espèce ; et cependant, il faut bien qu’elles aient blessé quelques personnes, puisqu’on a été jusqu’à imaginer, jusqu’à soutenir que les mille et mille distractions dont nous fûmes témoins étaient affectées. Cette grave imputation a été trop répandue, pour que je lui donne une sorte d’assentiment par mon silence. J’aborde donc, sans hésiter, la misérable circonstance qui l’a fait naître.

Après une soirée consacrée à de vives discussions, sur divers points de religion et de métaphysique, Ampère, en se retirant fort tard, emporta le chapeau tricorne d’un ecclésiastique, au lieu de son propre chapeau rond. Le lendemain, il s’empressa d’aller réparer son erreur. Telle a été, je le reconnais, l’origine d’une liaison que notre confrère devait désirer. Mais conclure de là que la méprise fut calculée ; supposer qu’un homme si éminent par son mérite, par ses emplois, et devant lequel toutes les portes de la capitale devaient s’ouvrir à deux battants, eût volontairement recours, comme moyen d’introduction, au plus misérable des expédients, à un échange de chapeaux, c’est blesser à la fois la vérité et le sens commun.

Au surplus, vous qui faites un si singulier, un si déplorable usage de l’esprit interprétatif, votre carrière n’est pas finie : de grâce, parcourez-la tout entière.

Dites-nous, par exemple, quel avantage convoitait Ampère le jour où, assis à la table de personnes que tout lui commandait de ménager, il se crut un moment dans sa propre maison et s’écria, avec l’accent d’un mécontente-