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celle des anneaux qu’on forme artificiellement en posant une lentille de verre sur un métal sont polarisées sous l’angle de 35° environ ; ici les couleurs naturelles qu’on aperçoit sur les facettes des cristaux fournissent toujours deux images, etc., etc.

« Cette propriété dont jouissent les couleurs déposées sur un mêlai semblait devoir conduire à un moyen de déterminer par une expérience simple la nature de ces vapeurs légères qui colorent un grand nombre de substances naturelles et qui, par leur excessive ténuité, échappent aux moyens d’analyse des chimistes ; mais les expériences que j’ai faites dans ce but m’ont appris que le changement de couleur peut aussi s’observer sans l’intervention d’aucune substance métallique.

« Ainsi le charbon de terra présente quelquefois dans ses feuillures des couleurs très-vives ; la substance qui les produit est extrêmement mince, ainsi qu’on peut s’en assurer en raclant légèrement la surface du charbon ; or, ces couleurs, polarisées sous un angle que je n’ai pas déterminé bien exactement, donnent deux images complémentaires dans les inclinaisons plus obliques.

« En rapprochant ce résultat de celui que j’avais obtenu en examinant les anneaux qui entouraient le point de contact d’une lentille de verre et d’une plaque polie de charbon de terre, il était naturel de penser que la force réfringente de la lame mince, comparée à celle des deux corps contigus, pouvait contribuer à produire le phénomène du changement de couleur ; or, je me suis assuré en effet, en déposant une légère couche d’huile de sassafras ou d’alcool sur la plaque de charbon, que les couleurs qu’on aperçoit sous des angles assez aigus se décomposent, en traversant un rhomboïde, eu deux images complémentaires.

« On prouvait d’ailleurs, en faisant tourner le rhomboïde, que les anneaux de teintes complémentaires dans les deux suites n’ont pas des diamètres parfaitement égaux, car la totalité des rayons de l’image ordinaire passant à l’image extraordinaire et réciproquement, après chaque quart de révolution du cristal, il devrait arriver un instant où les deux teintes se neutraliseraient en se superposant.

« Newton s’est assuré, par un moyen dont j’ai déjà eu l’occasion de parler, que, si l’on introduit de l’eau entre deux lentilles de verre, on obtient des anneaux plus petits que ceux que fournissait ce même intervalle rempli d’air ; mais pour être autorisé à conclure de cette expérience qu’une lame d’eau isolée donnerait en effet des anneaux colorés plus petits qu’une couche d’air de même épaisseur et également isolée, il faudrait, ce me semble, prouver préalablement que les densités, les forces réfringentes, les opacités