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immortelles et d’égarements déplorables, jusque l’épreuve d’une condamnation à mort prononcée sur le motif le plus futile, sans être ébranlé dans ses convictions généreuses, sans avoir un moment la pensée d’aller demander un refuge aux contrées d’où il aurait vu s’élancer ces hordes innombrables qui, croyaient marcher à la curée de la France.

Salverte était trop bon Français pour rester insensible aux gloires de l’empire ; il était, d’autre part, trop ami de la liberté pour ne pas apercevoir les fers pesants et fortement rivés que couvraient d’abondantes moissons de lauriers. Aussi, jamais un mot d’éloge sorti de sa bouche ou de sa plume n’alla s’ajouter aux torrents d’adulation qui égarèrent si tôt le héros de Castiglione et de Rivoli.

Notre collègue consacra toute l’époque de l’empire à la retraite et à l’étude. C’est alors que, par des travaux persévérants, il devint dans les langues, dans l’érudition, dans l’économie politique, un des plus savants hommes de notre temps.

Salverte ne s’abusa point sur les mesures réactionnaires dans lesquelles la seconde Restauration serait inévitablement conduite à se précipiter. Il crut que, malgré le texte formel de la capitulation de Paris, la foudre des passions politiques tomberait sur plusieurs de nos sommités militaires ; il devina que ces actes sanguinaires seraient excités ou du moins encouragés par les généraux alliés ; il prévit que le midi verrait renaître ces odieuses dragonnades que l’histoire a rangées parmi les plus déplorables taches du règne de Louis XIV. Salverte sentit son cœur se serrer en présence d’un avenir si lugubre. Il