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EUSÈBE SALVERTE[1]

Je ne suis jamais venu dans ce champ de repos avec un plus profond sentiment de tristesse ; mais aussi jamais la patrie, la liberté, n’ont eu à déplorer une plus grande perte. Pourquoi faut-il Messieurs, que le défaut de temps doive me faire craindre de ne m’être pas élevé à la hauteur de la mission dont vous m’avez honoré ?

Salverte naquit à Paris en 1771. Son père, qui occupait une position élevée dans l’administration des finances, le destina à la magistrature. Déjà à 18 ans, après des études brillantes au collège de Juilly, il entrait au Châtelet de Paris comme avocat du roi. À cette même époque la France sortait d’un long et profond engourdissement. Elle réclamait de toutes parts, avec le calme qui est toujours le vrai caractère de la force, mais aussi avec l’énergie que ne peut manquer d’inspirer le bon droit, l’abolition du gouvernement absolu. La voix retentissante du peuple proclamait que les distinctions de caste blessent au même degré la dignité humaine et le sens commun ; que tous les hommes doivent peser du même poids dans la balance de la justice ; que le sentiment religieux ne saurait sans crime être l’objet des investigations de l’autorité politique.

Salverte avait trop de pénétration pour ne pas entre-

  1. Discours prononcé le 30 octobre 1839 aux funérailles de M. Salverte, au nom de la Chambre des députés.