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rais mes réponses jusqu’à ce qu’il y en eût une qui vous convînt. Je reprends donc, et je vous dis que je suis un titiritero (joueur de marionnettes), et que j’exerçais à Lerida. »

Un énorme éclat de rire de tout le public qui nous entourait accueillit cette réponse, et mit fin aux questions.

« Je jure par le diable, s’écria le juge, que je découvrirai tôt ou tard qui vous êtes ! »

Et il se retira.


XXVI.


Les Arabes, les Marocains, les Juifs, témoins de cet interrogatoire, n’y avaient rien compris ; ils avaient vu seulement que je ne m’étais pas laissé intimider. À la fin de l’entretien, ils vinrent me baiser la main, et m’accordèrent, dès ce moment, leur entière confiance.

Je devins leur secrétaire pour toutes les réclamations individuelles ou collectives qu’ils se croyaient en droit d’adresser au gouvernement espagnol ; et ce droit était incontestable. Tous les jours j’étais occupé à rédiger des pétitions, surtout au nom des deux marchands de plumes d’autruche, dont l’un se disait assez proche parent de l’empereur de Maroc. Émerveillé de la rapidité avec laquelle je remplissais une page de mon écriture, ils imaginèrent sans doute que j’écrirais aussi vite en caractères arabes, lorsqu’il s’agirait de transcrire les passages du Koran ; que ce serait là pour moi et pour eux la source d’une brillante fortune, et ils me sollicitèrent, à mains jointes, de me faire mahométan.